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Une histoire qui ne manque pas de sel

Jean-Loup De Sauverzac - Photographe Posted: december 8, 2011 / Modified: may 14, 2012
july 1, 1987 > september 1, 1988 Location
Une histoire qui ne manque pas de sel Or, un jour, ou plutôt une nuit d'été sans lune, rentrant d'une soirée chez des amis, j'avais pris un raccourci au travers des salins de l'île Formentera. Je marchais avec des précautions de héron sur un de ces petits murets de pierres qui séparent les tables salantes. L'eau, gorgée de sel, était lourde et lisse comme un miroir. Pas un souffle de vent. À l'horizon, noyé dans cette obscure clarté tombée des étoiles, la mer, repue de fatigue, dormait dans les bras du ciel. Le silence était aussi profond que le bleu noir de la nuit. Seul le bruit crissant de mes pas hésitants sur les pierres nappées de cristaux sel se répercutait sur la surface des eaux en ricochets vites étouffés par l'air humide encore brûlant de la forge du jour. J'avançais le regard fixé sur ces pierres à fleur d'eau souvent disjointes par manque d'entretien car les salines tombaient en désuétudes.

Soudain, je me sentis pétrifié : Je ne pouvais plus bouger, tétanisé par un vertige que je ne peux oublier. J'étais sur un pont de pierre de 30 cm de large à peine, un pont de pierre lancé vers l'infini au-dessus de la voûte céleste. Tout avait basculé et, sous mes pieds, les étoiles luisaient dans le vide sidéral ! Enfin, il y eut comme une explosion sourde en moi comme si mon cœur, pétrifié lui aussi un fragment d'instant dilaté hors du temps, se remettait violemment à faire pulser le sang dans mon corps statufié. Ce furent mes premiers pas dans l'aventure salée qui suivit.

Véritable chef d’œuvre hydrologique, les salins de Formentera, naguère réputés dans tout le bassin méditerranéen pour la qualité de son sel, n’étaient plus rentables et par conséquent plus entretenus. Ils occupaient la pointe nord de l’île bordée à l’Est et à l’Ouest par les plus belles plages de toutes les îles Baléares. Cette langue de sable fin, de dunes, de plages d’eau turquoise et de sel était encore restée sauvage. Mais Formentera commençait à connaître les ‘bienfaits’ du tourisme de masse. Cette partie de l’île aiguisait l’appétit des vautours de la finance et de l’immobilier qui rêvaient de folies bétonnières, de ‘complexes’ usines-hôtels à traire le touriste. Ils rêvaient même d’un héliport et d'une «autopista» pour relier Formentera à Ibiza !

C'était un miracle pour la société propriétaire et exploitante qui y voyait évidemment une aubaine pour sortir de sa balance déficitaire. Les donnes étaient distribuées et les jeux semblaient faits. L’île n’a que 17 kilométres de long sur fort peu de large au plus étroit. C’est un microcosme où tout se sait. La municipalité d’alors semblait avoir les yeux de Chimène pour ces Rodrigues bétonneurs mais ‘los gentes de Formentera’ commençaient à comprendre que ce trésor patrimonial allait être détruit à jamais.

Sous le choc de cette révélation nocturne, fasciné par la beauté du lieu et poussé par le désir aussi d’en garder et d’en donner mémoire, j’ai arpenté ces espaces salés pour en fixer la beauté avant qu’ils ne disparaissent. En 1987, Grâce à Silvio Gitter qui avait créé « Zébra », la première galerie d’art de Formentera, j’ai pu exposer ce premier travail sur le sel là où il avait été accompli. Cette exposition fut comme une goutte d’eau qui fit déborder le vase. Nombreux furent les habitants de l’île, paysans, anciens sauniers, notables et leurs familles qui passèrent visiter l’exposition.

Heureusement, les années suivantes, devant ces projets de réaménagements «urbanismo–dinero-touristico» trop bien concertés, les mouvements de mécontentement et les manifestations des habitants et des « estrangeros » amoureux de l’île s’amplifièrent si bien qu'ils réussirent finalement a les faire capoter.

Quelques années plus tard, avec l’appui du Gouvernement espagnol et l’aide de la Communauté européenne, les salins de Formentera furent déclarés « parc natural », zone protégée non constructible.

Depuis, je n'ai cessé d'arpenter les salines en divers pays. Il y a quelque chose de magique dans le sel. Le sel est un alchimiste qui transforme tout… Et je vous conterais une prochaine fois pourquoi le sel si banal en apparence est un sésame qui ouvre sur les immenses prairies de la création.

A bientôt
Jean-LOup de Sauverzac
Formentera, Baléares, Espagne
La Savina - Spain
Thierry Crestan
Thierry Crestan, January 3
J'adore vos photos et vos récits.
Sincères félicitations !

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